Affiliation:
1. Faculté de droit, Université de Genève, Suisse
Abstract
La liberté de conscience est généralement présentée comme un principe fondamental des sociétés démocratiques. Pourtant, sa définition concrète et ses modalités d’exercice demeurent imprécises et incertaines. Par ailleurs, la protection qu’elle offre aux convictions non-religieuses est bien plus restreinte que celle qu’elle garantit aux croyances religieuses. Ce rapide constat induit plusieurs questions : pourquoi de nombreuses constitutions mentionnent-elles conjointement la liberté de conscience et la liberté de religion ? D’où vient ce couple formé par ces deux libertés ? Que signifie-t-il pour chaque liberté prise séparément ? Que protège spécifiquement la liberté de conscience et quel est son champ d’application ? Afin d’apporter un éclairage à ces questions, cet article propose un argument en trois parties. La première partie observe que la liberté de conscience est entrée dans les textes constitutionnels étroitement liée avec la liberté de religion. Dans de nombreux pays, les constituants ont ainsi introduit la liberté de conscience sans en clarifier le contenu. La deuxième partie met en évidence qu’en se laïcisant, l’idée de conscience a ouvert un champ d’application potentiellement très large avec des limites difficiles à définir. La troisième partie s’intéresse aux conséquences contemporaines de cette évolution : la différence avec laquelle les croyances religieuses et les convictions non-religieuses sont protégées. Cette différence est en effet injustifiable dans les États libéraux contemporains, mais nous n’arrivons pas à nous défaire de cet implicite chrétien selon lequel les croyances religieuses sont « spéciales » et ont droit à une protection particulière par rapport aux convictions non-religieuses.