Abstract
Connu pour converser durablement avec les canons artistiques traditionnels européens, l’artiste Kehinde Wiley s’approprie des oeuvres du passé qu’il réintroduit dans son univers créatif contemporain majoritairement dominé par la portraiture de jeunes Afro-Américains issus de la culture hip-hop. Examiné sous l’éclairage de l’histoire de l’art, le portrait conventionnel représente des individus antérieurement célébrés pour leur statut social et leur parcours biographique édifiants. Il sous-tend du reste des schèmes relatifs au pouvoir et au privilège, dignité dont sont dépourvues les personnes de couleur largement absentes des murs des musées. Cette invisibilité est d’ailleurs l’épicentre de la production de Wiley, qui s’évertue depuis deux décennies à réhabiliter les hommes et les femmes noirs dans le récit artistique. Ce modus operandi singularise sa pratique, qui consiste à figurer élégamment les visages des Afro-Américains, à honorer ces personnes méconnues, à les débarrasser des préjugés prohibitifs dont elles sont chargées, pour ainsi les transformer en êtres extraordinaires. Et c’est là toute la ruse de cet artiste qui, grâce à son travail artistique, pose un regard neuf sur l’art précédent, non pas pour le corriger, mais pour le revisiter de manière critique.
Reference27 articles.
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