Abstract
Qu’est-ce qu’une oeuvre musicale? La question ontologique soulevée par Roman Ingarden dans sa critique de la phénoménologie de Husserl a de nombreux points communs avec la querelle du “platonisme musical” déployée dans les années quatre-vingt par des philosophes analytiques tels que Jerrold Levinson et Peter Kivy. En 1992, Lydia Goehr a proposé une historicisation radicale du concept d’oeuvre musicale, sans pour autant liquider un projet ontologique qui, tout récemment, insiste dans les réflexions de Roger Pouivet à propos de “l’oeuvre musicale rock”. Cet article fait le point sur ces débats philosophiques avant de signaler la crise sociologique de la notion d’oeuvre liée au virage numérique et à la fragmentation du répertoire classique selon les standards de l’industrie culturelle. Reprenant la définition d’Ingarden de “l’objet purement intentionnel” à partir de cet ébranlement du sens commun, il compare pour finir le statut ontologique de l’oeuvre musicale à celui des êtres de fiction, un personnage de roman par exemple, ainsi qu’à celui d’entités qui, telles les montagnes évoquées par la “théorie granulaire de la réalité” de Barry Smith, résultent de la projection d’une pratique langagière sur la surface sonore du monde.
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