Abstract
Le recours aux exemples littéraires dans les grammaires soulève la question de la contextualisation des exemples, et de leur statut, attesté ou attestable. Si elle n’est pas totalement absente dans les grammaires du XVIe siècle, l’exemplification littéraire émerge véritablement au milieu du XVIIIe siècle pour occuper fortement le terrain grammatical au XIXe et encore dans les premières décennies du XXe siècle jusqu’aux années 1960. La prépondérance de la littérature dans le domaine des exemples ressortit à une visée normative et à une vision esthétique de la langue, pour laquelle les grands écrivains servent de modèle au bien écrire et au bien parler, inversant la valeur illustrative de l’exemple. Les conservatismes qui caractérisent les grammaires descriptives dans la première moitié du XXe siècle manifestent cependant une diversité qui témoigne d’une réflexion sur le statut et le fonctionnement des exemples, modèle ou document. Au XXe siècle, dans le sillage des « archives de la parole » réalisées au début du siècle, à partir de 1911, par F. Brunot, et de l’intégration du registre oral dans la littérature narrative, au tournant des années 1930, émerge la conscience d’une approche variationniste qui finit par s’imposer pleinement au début du XXIe siècle, avec pour conséquence la marginalisation de la littérature. Une hypothèse est que l’alternance des exemples forgés et des exemples littéraires dans les grammaires antérieures offre la première manifestation d’une sensibilité à la variation linguistique.
Reference69 articles.
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