Author:
Zeltner Laure,Pastour Nicolas
Abstract
Les équipes mobiles d’urgence et de crise sont des équipes pluridisciplinaires, composées le plus souvent d’infirmiers, de psychologues, de psychiatres, d’éducateurs, d’infirmiers en pratique avancée, de cadres et de secrétaires. Elles ont pour objectif principal de proposer des alternatives à l’hospitalisation temps plein en offrant un suivi intensif dans le milieu aux personnes en situation d’urgence ou de crise psychiatrique. L’apparition de ces équipes en France remonte à 1968, la plus ancienne et la plus durable est l’équipeERIC (Équipe Rapide d’Intervention de Crise) dans les Yvelines. Depuis, plusieurs équipes de crise ont vu le jour, à Bayonne, Bordeaux, Grasse, Lille, Lyon, Marseille,Paris, Poitiers, Rennes, Saint-Étienne, Toulouse et probablement d’autres encore… Sou-vent issues d’initiative locale et sans financement ciblé, il existe une grande disparité dans les compositions de ces équipes, leurs modalités d’intervention ou leur population cible. Un mouvement de regroupement national est à construire pour une meilleure reconnaissance et visibilité, et c’est ce que nous essayons d’impulser au sein de l’AEMP (Association des Équipes Mobiles en Psychiatrie).
Population
Les équipes d’urgence et de crise s’adressent à la population générale avec souvent une limite d’âge inférieure en psychiatrie adulte (par exemple, pour ERIC, c’est 14 ans et plus, pour l’équipe de Bordeaux, c’est 16 ans et plus) et/ou supérieure (pour l’équipe de Lyon, c’est de 18 à 65 ans) et une limite d’âge supérieure en pédopsychiatrie (par exemple, pour l’équipe mobile pédopsychiatrique de Rennes, c’est 16 ans et moins). Elles couvrent un territoire d’intervention qui correspond à un ou plusieurs secteurs de psychiatrie adulte et dont l’origine est souvent historique, conséquence de partenariats ou de négociations locales sur la mise en commun de moyens.
Des limites d’intervention sont souvent définies : le territoire d’intervention, l’existence d’un habitat identifié, les conditions d’intervention (sécurité des professionnels, confidentialité des entretiens et en particulier, pas d’intervention dans la rue), le type de demande (les pathologies addictives comme principale demande de soin, les demandes qui relèvent du dispositif de soin courant de secteur), la nature de l’urgence (urgence physique vitale associée, l’impossibilité de l’engagement des proches ou du patient), la saturation du dispositif en termes de nombre de prises en charge en cours. Ainsi, ces équipes mobiles complètent, sans s’y substituer, les dispositifs sectoriels et intersectoriels existants, ainsi que les autres équipes mobiles en psychiatrie comme les équipes mobiles psychiatrieprécarité (EMPP), les équipes mobiles de périnatalité, les équipes mobiles de psychiatrie du sujet âgé (EMPSA), les équipes mobiles de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent (EMPEA) et les dispositifs d’urgences.
Missions
Les missions sont diverses :
procéder à l’évaluation téléphonique ou par mail de l’urgence ressentie des patients/ proches/professionnels du territoire;
évaluer la situation du patient et de sa famille afin de mettre en place les soins et relais les plus adaptés;
améliorer l’accès aux soins et proposer, si possible, une alternative de qualité à l’hospitalisation en mobilisant les ressources du patient, de son entourage et celles du réseau de professionnels nécessaires à sa prise en charge;
favoriser des sorties d’hospitalisation et poursuivre alors la psychoéducation du patient et de ses proches, initiée en intra-hospitalier autour des symptômes et des traitements;
faciliter l’accès aux soins des personnes non demandeuses ou s’opposant aux soins, en proposant une évaluation le cas échéant sans le patient (dispositif de « consultation famille sans patient »), aider à la mise en œuvre de soins sans consentement si nécessaire dans le cadre d’une intervention programmée avec les forces de Police, s’il existe un risque auto ou hétéroagressif prévalent mais non imminent;
proposer une aide aux aidants familiaux et institutionnels;
former/informer les professionnels au travail d’équipe mobile de crise en psychiatrie.
Fonctionnement
Le fonctionnement varie et il existe plusieurs temps identifiés : celui de l’accueil de la demande, du premier contact durant lequel va s’élaborer le cadre d’intervention en coopération avec le patient et son réseau, puis de la prise en charge elle-même ponctuée de temps de contact et de coordination. Les entretiens sont toujours menés par un binôme de professionnels qui peut être changeant ou non en fonction de l’organisation et des besoins.
Travail en réseau
Le travail en réseau est important et permet de s’inscrire de la manière la plus précise possible dans le parcours de l’urgence et de sa filière, mais aussi par rapport aux solutions d’aval avec la mise en place de relais. La pratique de réseau est complexe, et concerne potentiellement l’ensemble du territoire d’intervention dans sa dimension médicopsycho-sociale.
Nombre, durée et lieu d’intervention
Le nombre d’intervention ou de contact avec la situation est très variable, et se décline différemment selon l’intensité de la crise psychiatrique et/ou relationnelle souvent intriqués. L’intervention de crise toutefois est d’emblée orientée vers sa propre fin. La limite peut être pensée en termes de durée (une limite prédéfinie de 1 mois, par exemple), de nombre de rencontres maximum ou d’objectifs thérapeutiques, et doit en permanence être réinterrogée, le temps de la crise étant celui de la contenance, de l’enveloppe, et non celui de l’élaboration. L’intervention de crise est une expérience riche vécue in situ, de réaménagement des défenses psychiques et/ou des relations.
Conclusion
Les équipes mobiles d’urgence et de crise ont montré leur intérêt au regard de l’accessibilité aux soins et de la prise en charge thérapeutique qui en découle directement ou indirectement. Elles sont fortement soutenues par les associations de familles et d’usagers. La loi de financement actuelle des centres hospitaliers en psychiatrie favorise leur développement sur le territoire, encore faut-il que l’injonction réglementaire laisse aux cliniciens d’expérience la possibilité de déployer cette alternative à l’hospitalisation.
Reference28 articles.
1. Ausloos G. (1996). La compétence des familles. Temps, chaos, processus. Toulouse : Érès.
2. Bouloudnine S., Pastour N. (2020). Quel impact de la crise de la covid sur les pratiques des équipes mobiles en santé mentale ? Société royale de médecine mentale de Belgique. Intervention le 13 juin 2020.