Abstract
La synthèse de 240 analyses isotopiques du plomb, mesurées sur les gisements miniers marocains d’âges édiacarien à néogène appartenant à tous les domaines géotectoniques du Maroc autorise une réflexion globale sur la métallogénie du Maroc. Les compositions isotopiques varient grandement, de 17,738 (Bou Skour) à 18,905 (Draa Sfar) pour le rapport 206Pb/204Pb, et de 15,521 à 15,706 pour le rapport 207Pb/204Pb. La source du plomb des gisements étudiés se situe dans la croûte continentale supérieure, excepté pour ceux de l’Anti-Atlas (Bou Skour, Imiter…) et certains du Haut-Atlas (Azegour) à nette contribution du manteau. Les variations isotopiques relevées à l’échelle d’un district résultent soit de la présence de plusieurs événements hydrothermaux superposés sollicitant différentes sources locales comme à Tighza, soit d’un seul événement perturbé par la segmentation d’un bassin volcanosédimentaire, comme pour les amas sulfurés des Jebilet et Guemassa. À l’échelle du gisement (Draa Sfar, Bou Skour), les variations isotopiques résultent de la superposition de plusieurs événements hydrothermaux avec chacun leur propre plomb et métaux associés. Globalement, on peut distinguer trois générations de plomb incorporées successivement dans le socle géologique marocain par le magmatisme et/ou l’hydrothermalisme, caractérisées par leurs rapports 206Pb/204Pb : 17,74–17,90 (panafricain), 18,10–18,40 (hercynien) et 18,75–18,90 (alpin). Le plomb panafricain est présent dans l’Anti-Atlas, et très localement dans la Meseta (Bouznika), et se nourrit en partie du magmatisme mafique du Gondwana. Le plomb hercynien est le plus représenté et affiche une rupture définitive dans la source des métaux dès lors exclusivement crustale. Il envahit tous les domaines marocains, y compris l’Anti-Atlas, où il remobilise et se mélange avec le plomb panafricain. Le plomb alpin, plus discret, jalonne la large écharpe allant d’Agadir à Nador qui trace en surface le panache mantellique des Canaries et accompagne un magmatisme néogène qui peut aussi avoir agi comme simple moteur remobilisant le plomb hercynien, notamment pour former les gisements MVT de Touissit. Les plombs hercynien et alpin sont en partie responsables du rajeunissement des minéralisations néoprotérozoïques, comme à Bou Azzer ou Imiter. Le Maroc illustre le modèle de Sawkins avec un apport majeur du plomb lors du magmatisme fini-orogénique. Les résultats isotopiques plaident en faveur de remobilisations successives du plomb stocké dans des réservoirs primaires et secondaires avec des phénomènes d’héritage. Enfin le bon transfert de la signature isotopique du plomb des gisements aux gossans de surface, notamment pour les gisements stratiformes de sulfures polymétalliques de type Hajar, montre que la géochimie isotopique du plomb est un outil utilisable pour l’exploration minière au Maroc.
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