Abstract
L’analyse électorale a tendance à minorer l’intérêt des élections dans des systèmes autoritaires ou à pluralisme limité. Pourtant, il reste intéressant d’analyser le comportement électoral lors d’élections sans enjeux – ou plus exactement, dont l’enjeu n’est pas l’accès au pouvoir -, tant on peut observer une diversité des formes d’opposition au pouvoir ou à l’inverse mieux comprendre les réseaux sur lesquels le pouvoir peut s’appuyer. C’est précisément l’objectif de cet article que de caractériser les bases socio-territoriales du soutien et des oppositions aux forces du pouvoir en Algérie entre 2007 et 2017. L’analyse proprement dite est fondée sur une collecte systématique des données à l’échelle des wilayas et des communes, leur cartographie, et leur croisement avec les caractéristiques sociales et économiques des différents territoires. Quelques constats ont pu en être dégagés.D’abord, la non participation et les votes nuls ou blancs, en hausse tendancielle, présentent une géographie assez stable, plus urbaine que rurale. Ensuite, les partis du bloc au pouvoir (FLN et RND) et ceux d’opposition montrent une géographie très mouvante, ne permettant pas de d’identifier de bastions stables, à l’exception notable du soutien à certains partis d’opposition en Kabylie. Enfin, le bloc du pouvoir a pu se maintenir en 2017 dans 80 % des communes où il était au pouvoir, indiquant sa capacité à maintenir son influence depuis l’échelon local jusqu’au niveau national.Dans les espaces urbains, le soutien au pouvoir apparait très limité, et l’opposition se marque avant tout par une participation très faible et l’importance des votes nuls ou blancs. Cette configuration spatiale n’est pas spécifique à l’Algérie, mais se retrouve dans nombre de régimes politiques et électoraux fermés. Elle rend compte du faible soutien au régime de la part des classes populaires urbaines et/ou des classes moyennes intellectuelles concentrées dans les grandes villes. A l’inverse, la participation électorale et le soutien au pouvoir – même s’il reste minoritaire en proportion de la population en âge de voter – sont plus élevés dans les zones rurales et périphériques, quoiqu’avec des différences régionales et locales considérables comme l’illustre l’exemple de la Kabylie, véritable bastion de l’opposition au pouvoir. Cela illustre sans doute une certaine capacité du pouvoir à mobiliser une partie de l’électorat via ses réseaux. Toutefois, de ce point de vue, l’analyse pointe une contradiction. D’une part, le bloc au pouvoir est capable de s’appuyer sur des réseaux locaux à travers une grande partie du pays, lui permettant de maintenir son hégémonie sur une grande partie des assemblées locales et nationale. D’autre part, l’analyse électorale met en évidence l’absence de stabilité de la base socio-territoriale de bloc FLN-RND.