Abstract
Le 2 décembre 2020, le ministère de l’Intérieur promulgue un « décret de dissolution d’un groupement de fait » visant l’Association de Défense des Droits de l’Homme - Collectif contre l’islamophobie en France (ADDH-CCIF), confirmé par arrêt du Conseil d’État du 24 septembre 2021. L’objectif de cet article est de comprendre ce paradoxe : comment une organisation antiraciste a-t-elle pu faire l’objet d’une dissolution administrative pour provocation à la haine raciste, alors même qu’elle était reconnue nationalement et internationalement pour sa lutte contre le racisme ? Après avoir rappelé l’histoire métropolitaine, coloniale et postcoloniale des dissolutions administratives depuis le vote de la loi du 10 janvier 1936, l’article analyse la campagne de disqualification médiatique et politique contre le CCIF, puis la traduction juridique de la disqualification symbolique (logique de suspicion par capillarité et syllogisme de l’antiracisme raciste), et enfin la jurisprudence relative aux dissolutions administratives.