Abstract
La mobilisation de l’humour en matière d’éthique ne relève pas d’une décision abstraite mais d’une pratique située, très délicate à saisir, soutenant pourtant un climat de soins sécurisant. Mais pourquoi la sagesse comique est-elle si peu reconnue sinon déconsidérée par la sagesse pratique ? Y a-t-il une contradiction entre le sérieux du soin et la portée éthique de l’humour ? Pourquoi l’humour n’est pas la dérision ? Parce qu’il est contextuel, l’humour invite à habiter une situation d’existence toujours singulière. Aussi l’humour tire-t-il l’éthique moins du côté de la forme rigide de l’application d’un principe moral que de la force d’ajustement contextuelle à des situations subtiles. Il est moins du côté formel de la règle ou du principe que du côté dynamique et vitalisant d’une attitude engagée dans l’exigence de l’instant ou de la relation. Il active une intelligence rusée dans l’exercice du métier au long cours par le jeu avec les normes déontologiques du professionnel aguerri. Il y établit un jeu relationnel portant ; il mobilise une position d’extériorité s’essayant à d’autres possibles qui résiste à toute réification ; et il a une portée élucidatrice et libératrice. Finalement, l’humour, en travaillant sur nos croyances pratiques, en sonde aussi les limites. Mettant à distance nos inquiétudes aliénantes, dans le tiers espace du jeu, il nous aide à les surmonter et à oser initier.
Reference28 articles.
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