Abstract
Thomas d’Aquin porte un regard nouveau sur l’activité économique. En adoptant progressivement une approche plus économique que sociale et plus ontologique qu’anthropologique, l’Aquinate marque non seulement une évolution méthodologique, mais aussi épistémologique qui comporte trois caractéristiques. D’abord, en s’émancipant de l’attention au statut social préétabli de l’usurier ou du marchand, Thomas élargit son regard à tous les agents économiques et à toute la durée de l’échange car chacun peut, au cours de l’échange, se trouver en situation peccamineuse. Ensuite, il reprend, mais en la relativisant et en l’universalisant, la notion de volonté conditionnée issue d’une approche sociale de l’usure selon laquelle le riche prêteur asservit le pauvre emprunteur dont la volonté se trouve conditionnée par son état de nécessité. Il intègre ainsi cette notion sociale à une approche économique selon le pouvoir de négociation. Enfin, il contourne le manque d’information sur l’intention des agents en cherchant des critères objectifs et visibles de la justice de l’échange. Cela le conduit à porter son attention sur la nature de l’objet échangé, le quid, qui détermine la nature et les conditions de son échange, ce à quoi le juste comportement des agents doit être conforme.