Abstract
Je propose dans cet article de partir du fameux texte de Ferenczi de 1908 dans lequel il appelle de ses vœux une réflexion et une évolution des pratiques scolaires car celles-ci, dit-il, « constituent un véritable bouillon de culture des névroses actuelles » (Ferenczi, 1908/1968, p. 51). Ce texte porte en germe des éléments sur lesquels Célestin Freinet s’est exprimé vingt ans plus tard, lors d’une conférence à Leipzig intitulée « La discipline parmi les écoliers », conférence dans laquelle il fait la critique de ce qu’il nomme la « discipline oppressive ». Il semble que la question cruciale que pose Ferenczi se retrouve dans des pratiques imaginées et mises en œuvre par Freinet : si l’éducation reçue des adultes joue un rôle non négligeable dans la pathologie ultérieure de chacun, quels moyens thérapeutique et prophylactique envisager contre de telles pratiques ? L’éducation dans le monde allemand du XIXe et début du XXe siècle à laquelle Ferenczi fait vraisemblablement allusion est un modèle éducatif problématique car brutal. Il annulait chez les plus jeunes toutes formes de désir et de volonté. C’est d’une certaine façon tout le dilemme de l’éducation que questionnent psychanalystes et pédagogues : l’apport structurant de l’adulte à l’enfant d’une nécessaire frustration qui permette d’en faire un adulte civilisé – mais comment ? La proposition de Freinet est claire, elle s’entend suivant deux grandes idées qu’il a développées par la suite : une nouvelle organisation de l’école et de la classe permettant de sortir du modèle d’une discipline « oppressive » pour s’acheminer vers un nouveau modèle de discipline qu’il qualifia de « discipline libératrice », entendue en tant que libération de l’enfant de certains troubles psychiques. Cette capacité à agir avec sollicitude pour l’éducateur peut s’entendre comme possibilité de faire preuve de tact dans la relation avec les enfants. Introduit par Ferenczi, le tact revêt toute son importance pour le pédagogue. En effet, dans la notion de tact chez Ferenczi, il y a l’idée de toucher par une parole juste et efficiente, permettant de dire sans blesser au moment opportun. Dans les deux courts épisodes issus d’une réunion de coopérative que je présente, je tente de montrer que les professeures peuvent faire preuve de tact.