Author:
Girard Lucas,Guyonvarch Yannick
Abstract
Dans les années 1990, Joshua Angrist et Guido Imbens se demandèrent comment interpréter causalement les estimations obtenues au moyen de variables instrumentales (une méthode courante en économie) en s’appuyant sur la notion de variables potentielles (un cadre classique pour formaliser les relations causales en statistique). Ils comblèrent un fossé entre ces deux disciplines en mettant en évidence l’importance de considérer l’hétérogénéité des effets d’un traitement et en montrant que, sous des hypothèses raisonnables dans de nombreuses situations pratiques, cette méthode permet d’estimer un effet causal moyen sur une sous-population spécifique d’individus, ceux dont le traitement est affecté par l’instrument. Ils reçurent le prix Nobel d’économie essentiellement pour cette notion de « local average treatment effect » (LATE). La première partie de cet article présente en détail cet apport méthodologique : ses racines visibles dans des articles appliqués antérieurs, les différents résultats d’identification et leurs extensions, ainsi que les débats portant sur l’intérêt du LATE pour éclairer des décisions de politique publique. La seconde examine les principales contributions de ces deux auteurs en plus du LATE. J. Angrist a poursuivi ses travaux empiriques dans plusieurs champs, en particulier celui de l’éducation, toujours avec une attention singulière accordée à la stratégie d’identification en recherchant et en utilisant des expériences naturelles informatives et variées. G. Imbens a continué à enrichir la boite à outils permettant d’estimer les effets causaux d’un traitement ou d’une politique publique avec de nombreuses avancées méthodologiques, notamment le matching sur le score de propension et, plus récemment, l’adaptation des techniques d’apprentissage statistique (« machine learning ») aux problématiques économétriques.