« Un établissement à trois têtes »

Abstract

Cet article vise à analyser la manière dont les écoles et leurs acteurs voient leurs structures et leurs pratiques transformées par la guerre. Pour ce faire, je m’intéresse au lycée Abdel Kader (LAK) de Beyrouth, fondé par la Mission laïque française (MLF) en 1910 et vendu en 1985 à la Fondation Rafic Hariri (FRH), association libanaise, privée et sunnite. Cette décision de la MLF, précipitée par le contexte de guerre civile et internationale au Liban (1975-1990), est l’occasion pour les différentes autorités du LAK de modifier, via la signature d’une convention, les rapports de pouvoir au sein de l’établissement. Dès lors, de propriétaire unique de l’école, la MLF devient simple partenaire et se trouve, dans les faits, reléguée au second plan par la FRH. L’État français semble quant à lui saisir l’occasion de la vente du LAK pour se désengager financièrement de cet établissement situé dans une région hostile aux intérêts français à compter de 1981. Ces réagencements donnent lieu à une rhétorique de l’abandon chez des proviseurs désarmés pour convaincre les partenaires français de reprendre la main sur les affaires internes du LAK. À partir des archives de l’école ainsi que d’entretiens avec d’anciens proviseurs, enseignants et membres de la FRH, cet article souhaite donc contribuer à la compréhension des effets des guerres sur les institutions éducatives, d’une part, et à celle de l’évolution des rapports, via le prisme scolaire, entre la France et le Liban durant le conflit d’autre part.