Abstract
Le phénomène de gentrification rime souvent avec l’éloge de la « mixité sociale » des habitants, ainsi que de la « diversité » des commerces de proximité. Dans ce contexte, comment cette dernière est-elle construite et travaillée par les entrepreneurs ? À partir d’une enquête de terrain menée entre 2017 et 2020 sur les restaurants du quartier du canal Saint-Martin, situé dans le X e arrondissement de Paris, l’article a pour but de mettre en lumière le processus de construction de la diversité, allant de pair avec la construction d’une altérité (in)acceptable. Nous étudions d’abord le travail de blanchité réalisé par les entrepreneurs minoritaires racisés qui ouvrent un restaurant représentant leur propre origine ethnique et/ou nationale. En tant que groupe minoritaire dans l’Hexagone, l’identification entre leur origine et l’offre culinaire oscille entre les frontières internes et externes d’une conception de soi traversée par l’expérience du racisme. Contrastant avec cette première vision, l’article s’intéresse ensuite au travail réalisé par les entrepreneurs blancs, racialisés comme groupe majoritaire et issus de classes supérieures, qui ouvrent des restaurants dont les offres culinaires représentent une culture « extra-occidentale ». Ce contraste permet d’élucider le mécanisme de la construction d’une altérité (in)acceptable, qui s’articule avec les rapports sociaux de classe et de race.