Abstract
En réponse aux controverses et politiques publiques visant à réguler les pollutions environnementales provoquées par les pratiques agricoles de fertilisation sur les milieux aquatiques, différentes voies d’accompagnement à l’écologisation sont proposées par les scientifiques et les organismes de conseil aux agriculteurs et agricultrices. L’une d’entre elles est numérique : des logiciels de gestion et des outils d’aide à la décision (des services de conseil numériques) sont promus comme des intermédiaires sociotechniques de la mise en œuvre de la directive européenne sur les nitrates au niveau des exploitations. Par une enquête qualitative parmi les scientifiques, les entreprises concevant les outils et des agriculteurs céréaliers utilisant ces technologies, cet article revient sur la trajectoire technique et politique par laquelle ces outils deviennent des « objets-intermédiaires » de l’écologisation et les effets de ces technologies sur la mise en place effective de la réglementation environnementale au niveau des fermes. Au prisme de la sociologie des mondes agricoles, de la sociologie des politiques publiques environnementales et des Science and Technology Studies (STS), l’article montre que ces outils participent de processus d’inertie écologique (au niveau de leur conception technique, leurs usages et leurs futurs) et ouvrent des « passe-droits » numériques dans la réglementation environnementale, inégalement appropriés au sein des mondes agricoles.