Abstract
Si de la manne tombait du ciel, quelle en serait la juste distribution ? Dans une perspective de justice sociale rawlsienne, une telle question théologique paraît vaine, puisqu’elle se situe hors du cadre de la distribution équitable des résultats de la coopération entre des citoyens. Pour autant, deux des plus grands critiques de Rawls, Robert Nozick, du côté libertarien, et Gerald Cohen, du côté socialiste, introduisent le scénario hypothétique de la manne céleste dans leurs objections respectives au principe de différence. Ils le font de manière opposée, le premier pour contester, le second pour accentuer l’égalitarisme de ce principe. Dans cet article, nous nous proposons d’analyser la nature de ces deux objections à la lumière de l’expérience de pensée qu’elles introduisent, afin de comprendre le prolongement donné à ces objections et le sens de la réponse que Rawls leur adresse.