Abstract
L’indépendance du Pakistan et la révolution iranienne ont annoncé une forte recomposition des États respectifs : si le Pakistan s’est structuré sur l’État colonial hérité de l’ère britannique, la formation de l’État iranien postrévolutionnaire a accompagné la refonte de ses structures administratives et de ses corps de hauts fonctionnaires par la nouvelle élite dirigeante. À partir de l’étude de la production autobiographique de quatre préfets iraniens et pakistanais, cet article interroge la différenciation des modes de légitimation des élites administratives et de leur mise en scène de la pratique de l’État par l’écriture de soi. Surtout, il montre comment cette différenciation traduit des recompositions distinctes des relations entre champs politique, administratif, et sociétal dans les deux États. S’ils revendiquent tous la fonction de la fonction de représentation des populations qu’ils administrent en opposant champs politique et administratif, les préfets dessinent toutefois des relations différentes à l’État et ses institutions. Au Pakistan, en contexte de politisation de l’administration, les administrateurs fondent leur exemplarité en mobilisant un registre corporatiste de serviteur de l’État reposant sur la détention de capitaux éducatifs et moraux dans la continuité de normes qui régissaient auparavant l’État colonial. En Iran à l’inverse, les préfets de la République Islamique exploitent un registre contre-exemplaire fondé sur un répertoire individualiste de « self-made man » afin de marquer leur indépendance vis-à-vis de l’État et des institutions traditionnelles de socialisation (la famille, l’école) et entendent « servir le peuple ».
Subject
Sociology and Political Science