Abstract
La New York State School of Industrial and Labor Relations (ILR School) est créée en 1944 au sein de l’université Cornell dans le but de favoriser la coopération entre employeurs et salariés. Elle se donne pour mission de former des « professionnels des relations professionnelles » en délivrant un savoir abstrait spécialisé, réputé neutre et partagé entre les différentes parties. L’article décrit la genèse et l’institutionnalisation de ce projet au cours des trente premières années d’existence de l’école. Il l’analyse, selon le vocabulaire théorique des écologies liées, comme un « enjeu charnière » qui se forge dans le champ du pouvoir mais qui prend forme au croisement des champs politique, syndical et académique. tiraillée entre les logiques de reconnaissance propres à l’université et la méfiance, quand ce n’est pas l’hostilité, des acteurs des relations professionnelles, l’école contribue moins à professionnaliser les syndicalistes que les formateurs. En outre, tous les formateurs n’endossent pas l’identité d’experts en relations professionnelles : au sein de l’ILR School apparaît en effet un nouveau territoire, revendiqué par ses occupants comme celui des labor studies , qui entend se distinguer à la fois des industrial relations et d’une conception purement instrumentale de la formation syndicale. Initialement soutenue par les franges anticommunistes du mouvement syndical, l’école aura ainsi offert une base matérielle à des acteurs, dont certains communistes, qui portaient un regard critique sur le syndicalisme et les relations professionnelles.