Abstract
Dans cet article, je m’intéresse à l’existence (souvent invisible, parfois oubliée et pourtant décisive) d’une compagnie animalière en plein essor, celle des souris transgéniques cancéreuses. Chaque semaine « sortent » en effet, des laboratoires américains Charles River, des milliers de souriceaux aux génomes modifiés garantissant les tumeurs à venir. Commandés en ligne, livrables à travers le globe, souvent transportés via UPS ou Purolator, à destination d’unités de recherche biomédicale de plus en plus nombreuses, ces animaux-cobayes sont à la fois vivants et déjà morts. Programmés pour mourir, leur génotypie est le fruit d’une manipulation immuno-oncologique serrée. En revenant sur les modalités vitales de ces souris (nutrition, reproduction, expression), je propose une série de réflexions portant non plus seulement sur la seule identité du vivant (humain, animal, hybridé), mais sur les capacités (recombinées, transpécifiques, émergentes) dont ces vivants font montre lors de mises en relation à la fois inédites et normalisées. Je problématise ainsi plusieurs des registres animant notre modernité (frontière des appartenances spécifiées, circulations de qualités affectives par-delà les corps individualisés ou encore, déferlements de puissances anthropocéniques). Ce faisant, j’interroge : 1) le détournement des intelligences autres qu’humaines et ses produits ; 2) les qualités ontologiques et épistémologiques d’une animalité à la fois autre et même ; 3) l’apparition de nouvelles configurations écologiques, où ces existences post-naturelles se font tour à tour programmables et incommensurables, interchangeables et particulières, et pourtant toujours enceintes de ce(ux) qui nous déborde(nt) . . .
Publisher
University of Victoria Libraries
Subject
Arts and Humanities (miscellaneous),Anthropology