Abstract
Il est notoire que les historiens et notamment les médiévistes français ont donné une contribution décisive à l’affirmation d’une «nouvelle histoire» caractérisée aussi bien par le renouveau des méthodes que par l’élargissement du domaine de la discipline et la prise en compte de nouveaux objets. Croyances, mythes, mentalités, sentiments, rêves, gestes, comportements: rien n’échappe plus à une recherche historique qui a profondément transformé ses critères ontologiques et ses principes herméneutiques. Il est toutefois un phénomène qui serait, de fait et de droit, inaccessible à l’historien: la censure dans les universités médiévales. En effet, dans sa note critique à propos des livres sur les limites de la liberté intellectuelle à Paris aux XIIIeet XIVesiècles récemment publiés par Johannes M. M. Hans Thijssen et moi-même, Alain Boureau ne s’est pas contenté de soutenir que la censure fut un phénomène sans grande importance dont les effets «furent faibles». En développant des considérations qu’il avait déjà proposées dans la conclusion de son brillant essai sur les condamnations de Jean Peckham, il a critiqué mon interprétation de certains épisodes, d’ailleurs marginaux dans l’organisation de mon travail; il a contesté aussi bien ma classification «typologique» visant à distinguer les différentes formes de la censure que la méthode de Thijssen, fondée sur l’analyse des procédures judiciaires; il a mis en doute la possibilité même d’«envisager un ouvrage de synthèse sur la censure médiévale»; et il a précisé que, si ce projet est irréalisable, «cela ne tient pas au talent des auteurs, maisà la construction de la censure comme objet historique autonome, qui induit la recherche d’un agent et d’un patient. Il est évident que l’historien ne peut pas vider le mot “censure” de toute sa charge morale. Dès lors,il ne peut guère se conduire qu’en procureur ou en avocat.»
Publisher
Cambridge University Press (CUP)
Subject
General Social Sciences,History