Abstract
RésuméL’étude comparative de trois récits de mémoires sur les luttes de factions dans le corps des oulémas de Boukhara pendant la période coloniale nous permet de restituer le rôle des systèmes de protection personnelle dans la transmission, au début des années 1920, de la mémoire du passé pré-soviétique de la Transoxiane. La vigueur des genres didactiques de la littérature persane d’Asie Centrale, caractérisée par l’essor de la biographie et de l’autobiographie normatives après 1917, impose à ces récits une logique narrative particulière, empruntée aux genres classiques de la maqāmā et de la taẕkira. Dans le même temps, ces sources révèlent l’importance du contenu politique des systèmes de protection (ḥimāya) et d’affinités masculines (ʿaṣabiyya-s)qui saturent la littérature historiographique en pays d’islam. Elles montrent en particulier le rôle déterminant joué par les émirs Manghit dans la définition des luttes de factions propres au corps des oulémas dans le contexte de la domination russe. En décalage avec les exigences d’un métatexte pénétré de la référence à la geste du Prophète Muhammad et à sa lutte contre les païens de La Mecque, les factions urbaines qui se développent dans le monde des madrasa-s de Boukhara entre les années 1860 et 1920 apparaissent comme autant d’entités fluctuantes, aux relations mutuelles étroites et complexes. Ceci nous emmène loin de l’imagerie véhiculée par la littérature coloniale sur des « luttes de clans» transhistoriques, aux contours immuables, et place le fait politique au centre des sociabilités savantes de Transoxiane, pendant la période formatrice qui a précédé la prise du pouvoir par les soviets.
Publisher
Cambridge University Press (CUP)
Subject
General Social Sciences,History
Cited by
4 articles.
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