Abstract
Sommaire1. Tout système juridique est production d’une histoire et d’une culture politiques déterminée, qui lui ont donné une organisation spécifique. Parler des limites de telles organisations peut s’entendre en deux sens, qui interagissent: premièrement, elles peuvent servir à différencier ces systèmes par rapport à d’autres ordres normatifs. Secondement, elles désignent ce que, par sa texture, le droit est hors d’état de réussir. 2. On comprend le concept de système comme une organisation aux structures différenciées de textes, de normes, d’acteurs. Ce qui caractérise un système est son autoréférentialité et ses modes de clôture (qui lui permettent de rester identique à lui-même) et ses modes d’ouverture (qui permettent les échanges avec son environnement). 3. Concernant la limite dans le second sens, on observera que la normativité comme mode d’action propre au droit le met souvent dans l’incapacité d’assumer pleinement les tâches de régulation qui lui sont confiées. Il s’agit d’une part d’une limite factuelle: celle de la technicité et du volume de ces tâches. D’autre part, la nécessité de plus en plus fréquente de prendre en compte les circonstances individuelles concrètes de l’application entraîne une légistique de diminution de la densité normative et, par conséquent, de déplacer une épistémologie fondée sur la répétition en direction de l’innovation. 4. Ces deux facteurs notamment font du droit un univers qui ne peut plus prétendre à une complétude cohérente: c’est un univers en constante évolution, qui exige pour sa mise en œuvre, de manière continue, l’apport d’informations provenant de son environnement. Ces apports circulent dans les modes d’ouverture du droit—la diminution de la densité normative et le recours à des expertises, des savoirs, des déontologies extérieures. Cependant, en vertu de l’autoréférentialité du droit, ces apports doivent être sélectionnés et juridicisés pour être intégrés dans le système juridique et préserver ainsi sa clôture. Il y a là une double programmation à respecter: la sélection doit d’une part respecter le cadre normatif du droit et de l’autre porter sur un choix correspondant aux attentes sociales qu’il s’agit de convaincre de son bien-fondé. Les limites du droit par rapport à d’autres ordres normatifs est ainsi définie par l’ordre juridique lui-même, dans le respect de cette double programmation. 5. Ce système a des présupposés politiques, culturels et historiques qui empêchent d’élaborer sans autre une essence du droit, valable urbi et orbi: notamment séparation des pouvoirs et liberté d’expression. Il n’est même pas certain qu’il puisse perdurer. En particulier, l’internalisation croissante du droit n’est guère conciliable avec son organisation telle que l’Occident l’a conçue. En outre, de plus en plus le droit devient l’objet d’une normativité supérieure, au nom de laquelle il est lui-même jugé: c’est le phénomène de l’économisation du droit.
Publisher
Springer Science and Business Media LLC
Subject
Law,Language and Linguistics
Reference45 articles.
1. Bailleux, A. 2012. Le soft lawet les deux droits. In Les sources du droit revisitées, t. IV, dir. I. Hachez et al. Bruxelles: Anthémis.
2. Castoriadis, C. 1975. L’institution imaginaire de la société. 4e éd. Paris: Seuil.
3. Castoriadis, C. 1990. Les carrefours du labyrinthe III: Le monde morcelé. Paris: Seuil.
4. Castoriadis, C. 1996. Les carrefours du labyrinthe IV: La montée de l'insignifiance. Paris: Seuil.
5. de Béchillon, D. 1997. Qu’est-ce qu’une règle de Droit. Paris: Odile Jacob.
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