Abstract
Un des apports théoriques majeurs de Colette Guillaumin a été la notion de sexage. Je me propose de l’analyser sous trois angles : en amont, en tenant compte de ses travaux antérieurs sur le racisme ; en soi, ce en quoi elle consiste et ce qu’elle permet de penser ; en aval, par rapport à son utilité en regard des enjeux contemporains auxquels sont confrontés les féminismes. En amont, je me propose de voir les articulations de la notion de sexage avec les analyses du racisme, plus particulièrement en ce qui concerne les processus de naturalisation de groupes sociaux avec ce que cela entraîne du point de vue de l’altérisation (idée de différence irréductible) et de hiérarchisation. Le rapport de sexage cherche à décrire le rapport social qui se noue entre les sexes et repose sur l’appropriation collective des femmes, une appropriation qui se redouble de façon individuelle dans le dispositif de l’hétérosexualité. Mais la double dimension individuelle et collective du sexage fait en sorte qu’il s’agit également d’un marquage des corps dont les mécanismes concrets fluctuent au rythme des luttes sociales. Le travail de Guillaumin repose essentiellement sur une homologie entre sexisme et racisme. Peut-on lui opposer la remarque sarcastique que « toutes les femmes sont blanches et que tous les Noirs sont des hommes » ? Pas nécessairement. Il me semble que l’analyse matérialiste des rapports sociaux à laquelle elle nous incite peut très bien se jumeler aux théories contemporaines de la localisation sociale, celles qui ne raisonnent pas en termes d’identité ou de différence, mais plutôt celles qui insistent sur l’agentivité des sujets sociaux pour transformer les rapports sociaux dans lesquels elles et ils sont insérées.
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