Abstract
Étant considérée par les critiques comme un art essentiellement temporel, la littérature se caractérise aussi par une ‘spatialité’, comme le souligne d’ailleurs Genette dans sa Figure II. En effet, le temps, les personnages et l’espace sont des composantes à pied d’égalité. Ceci dit, que l’espace est « une composante essentielle de la machine narrative » (Mitterand, 1980, pp. 211-212), qui détermine les relations entre les personnages et influe, d’une façon ou d’une autre, sur leurs actions. De fait, l’espace n’est pas un simple élément scénique, il établit des liens complexes avec les autres éléments du récit (temps, personnages et péripéties). L’analyse de ces liens et des significations de ces éléments révèle la façon dont le cadre spatial est perçu ou conçu. Dans Le corps de ma mère de Faouzia Zouari, la narratrice évoque la vie des femmes bédouines de Tunisie, et celle de sa mère, en particulier. Elle relate l’influence de l’espace dans laquelle cette dernière évolue, comment celle-ci est parvenue à se libérer d’une longue tradition ancestrale particulièrement contraignante pour les femmes, et décrit les mutations survenues avec la révolution du Jasmin. Le livre se compose de trois parties, et chacune d’elle se caractérise par son cadre spatial spécifique. Celui qui domine la première et la troisième partie, ‘le corps de ma mère’ et ‘l’exil de ma mère’, est Tunis (la capitale) et ses ‘cités de béton’. La romancière nous livre, dans ces deux chapitres, le récit familial extraordinaire de Yamna, sa mère qui a vécu dans un petit village de Tunisie, recluse pendant cinquante ans dans sa maison. Puis, malade, la vieille femme s’est trouvée déracinée à Tunis, où ses enfants insistaient pour qu’elle se fasse soignée. A l’hôpital moderne où elle va mourir, elle est accompagnée par ses filles, pour faire des confessions qui laissent transparaitre une perception de l’espace qui repose sur l’ambivalence entre réclusion et délivrance. La deuxième partie décrit le fossé entre campagne et grande ville en Tunisie, entre cultures traditionnelles, religion, superstition, djinns, coutumes ancestrales, contes et modernisation. L’opposition entre l’espace urbain et l’espace rural, en particulier le réquisitoire dressé contre la capitale, puis le corps féminin comme espace idéologique feront les objets de notre présente étude.
Publisher
Uniwersytet Lodzki (University of Lodz)
Reference12 articles.
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